Projet 2021-2026

Axe 1 : Caractérisation, fonctionnement et modélisation hydrodynamique et écologique en contexte continental et estuarien

Quantification des échanges nappes-rivières

Dans le cadre de la compréhension du fonctionnement des hydro-bio-géo-éco systèmes la caractérisation des échanges entre les eaux souterraines au débit de surface et les eaux de la Seine en particulier a fait l’objet de plusieurs projets côté aval, projets souvent initiés à travers les AAP du GIPS SA pour la partie expérimentale et par modélisation numérique (TIDEHYDREX, 2012 ; ECHANGES 2014-2017).
La quantification des apports du souterrain à la Seine sur toute la partie estuarienne nécessite de développer des approches méthodologiques sur des sites particuliers qui pourront ensuite permettre d’être généralisées. Dans ce contexte, les sites ateliers issus du projet plateforme OLA – Observatoire de La craie (Figure ) – et du projet GIP Seine Aval FEREE – Comparaison du Fonctionnement Ecologique de secteurs intertidaux contrastés pour la compréhension de leurs connectivités et la Restauration des fonctions Ecologiques Estuariennes (seineaval.fr/projet/feree/) – doivent permettre l’instrumentation et le suivi des échanges de masses d’eau au sein de l’estuaire grâce à un réseau piézométrique.
Un des objectifs de ce réseau d’observation des échanges nappes-rivières le long de la Seine jusqu’à l’estuaire est de permettre la mise en oeuvre du suivi de mesures hydrogéologiques, géochimiques et géophysiques, tels que le suivi haute fréquence des températures (Mourhi et al., 2013). Un tel suivi permet l’estimation des flux de chaleurs, donc des échanges hydriques sur ces sites ateliers. Ce projet fait écho aux travaux mis en oeuvre depuis de nombreuses années sur la partie amont du bassin de la Seine, au sein du programme PIREN Seine en particulier lors de la phase 6, 7 mais également prévu dans la phase 8. La mise en place de cet observatoire hydrogéologique et bio-géochimique le long du corridor hydrologique sur la partie aval du bassin de la Seine jusqu’à l’estuaire, constitue une opportunité pour fédérer les nombreux travaux développés au sein de la fédération SCALE sur les risques environnementaux, et particulièrement en lien avec la biodiversité et les
inondations.
En pratique ces travaux complèteront un réseau d’observation piézométrique et bio-géochimique entre la commune de Norville jusqu’au sud de Marais du Hode déjà équipé en piézomètres et systèmes de mesures géochimiques par le Port du Havre. Parallèlement aux mesures standards mises en oeuvre dans le cadre d’un suivi haute fréquence (conductivité électrique, potentiel redox, pH, turbidité, nitrates, matière organique), des préleveurs autonomes pour les analyses isotopiques sont aussi envisagés.
L’intégration de ces données multiparamétriques acquises en continu permettra d’approfondir nos connaissances sur les mécanismes de transferts d’eau et des contaminants dues aux forçages anthropiques et climatiques.

Reconstruction des bases de données hydrauliques et la prédiction des changements climatiques

En hydrosciences, la gestion des ressources en eau souterraine est principalement basée sur l’analyse des fluctuations du niveau d’eau enregistrées par un réseau de piézomètres. Cette analyse vise notamment à déterminer, les voies d’écoulement préférentielles, les modalités de recharge et à surveiller les phénomènes extrêmes d’inondation et de sécheresse. Les réseaux piézométriques peuvent également être utilisés pour surveiller certains paramètres géochimiques afin d’évaluer l’aspect qualitatif de l’aquifère. Généralement, la surveillance de la majorité des bassins versants est effectuée à l’aide d’un nombre limité de piézomètres qui reste insuffisant pour décrire les hétérogénéités et les complexités d’un hydrosystème et développer ensuite une politique de gestion fiable.
Il est donc indispensable de mettre en place une stratégie visant à construire une base de données hydrogéologiques, hydrauliques et météorologiques continue et de longue durée pour valider les projections locales basées sur les modèles de projection climatique globaux (travail mené notamment par le GIEC normand). Au cours des dernières décennies, les scientifiques se sont penchés sur la question de la reconstitution des données manquantes en utilisant le plus souvent 3 catégories de modèles : les modèles physiques, statistiques et apprentissages statistiques (machine Learning).
Les algorithmes d’apprentissage statistique ont soulevé un regain d’intérêt de la communauté scientifique suite aux énormes avancées réalisées dans le domaine de l’informatique et à l’adaptation des approches numériques initialement développées pour le traitement numérique de données complexes telles que les images et les sons (dont le principe de convolution). Ces conditions ont donné naissance à de nouvelles générations d’algorithmes qui ont une grande capacité à traiter des données massives en peu de temps et à faire des prévisions précises, bien meilleures que celles qui peuvent être obtenues avec les modèles traditionnels statistiques et physiques. En effet, les outils de Deep Learning ont la particularité de prédire des relations complexes et hautement non linéaires entre les variables d’entrée et de sortie, en analysant uniquement un jeu de données déjà existant. Par conséquent, ces approches s’affranchissent de toute connaissance physique du système. L’idée consiste à extraire les informations pertinentes des précédentes expériences (données) en imitant l’analyse du cerveau humain.
Durant ces deux dernières années, de nombreuses applications sur la prédiction de variables hydro-climatologiques sont apparues, parmi lesquelles il est possible notamment de citer : la reconstruction des fluctuations piézométriques du sud-ouest de l’Allemagne sur la période 1948-2008 à partir du traitement des données hebdomadaires de précipitations et de températures avec l’utilisation de Artificial Neural Networks ANN algorithme [Wunsch, et al. 2018]. Ce dernier a également été appliqué à l’estimation des niveaux piézométriques de l’aquifère du Delta du Mississippi en utilisant les précipitations et l’évapotranspiration comme données d’entrée [Guzman et al. 2017]. Pour la prévision des événements extrêmes, de nouveaux algorithmes ont été mis au point, tels que ANFIS, qui est le résultat d’une adaptation des algorithmes du système neuro-fuzz_interference et des réseaux neuronaux artificiels, qui a prouvé son efficacité dans la prévision des inondations [Mosavi et al., 2018]. La littérature scientifique s’enrichit ainsi régulièrement de nouveaux algorithmes et d’applications de Deep Learning qui vont jouer un rôle décisif dans les prévisions des catastrophes naturelles dans les années à venir.
Dans ce sous-axe il s’agira de poursuivre les travaux effectués entre autres dans le cadre de partenariat avec EDF sur le développement d’algorithmes de machine Learning alimentés par une grande quantité de données, et destinés à construire des modèles prédictifs de grande précision. Cela nécessitera de construire une banque de données multi-paramètres (précipitations, évapotranspiration, température, niveaux d’eau de la Seine et rivières du bassin versant, piézométrie, pompage, marée,… etc.) y compris concernant la qualité des eaux (oxygène, température, conductivité turbidité…) à partir des bases de données existantes, mais aussi des données complémentaires acquises dans le cadre du site atelier OLA. Ce type de développement a des applications très directes dans la gestion de la ressource en eau (qualité et quantité) et in fine de la gestion de l’estuaire dans son ensemble à court, moyen et long terme, notamment dans le cadre du changement climatique.
Les estuaires sont connus comme étant le siège de fortes interactions entre les masses d’eau marines et continentales de surface et souterraines donnant naissance à des écosystèmes spécifiques, rares et riches en biodiversité. Ils sont aussi le siège d’activités humaines importantes tant agricoles qu’industrielles au coeur d’enjeux sociétaux cruciaux au sein desquels une bonne gestion des ressources hydriques et de leur vulnérabilité aux extrêmes (sécheresses et inondations) est fondamentale. La prédétermination des extrêmes repose sur les hypothèses scientifiques de stationnarité, d’indépendance des évènements et d’ergodicité des données dont on sait qu’elles ne sont pas respectées dans des territoires soumis au changement global et ce d’autant plus dans un estuaire de Seine où la contribution des eaux souterraines aux débits de surface est fondamentale. Aussi est-il primordial de prendre en compte l’interdépendance des variables hydro-météo-climatiques dans la survenue de ces évènements extrêmes.

Replantations des peuplements forestiers : Conséquences du travail du sol sur son fonctionnement

La forêt joue un rôle essentiel dans le bilan carbone de la France puisque son rôle d’atténuation d’émission de gaz à effet de serre par la séquestration du carbone est estimé entre 12 et 19% des émissions de gaz à effet de serre et est au coeur du dispositif de la Stratégie Nationale Bas-Carbone pour aller à la neutralité en 2050. La récente étude 4P1000 a bien montré le rôle crucial de la forêt qui voit son stock s’accroître de 130 à 420 kgC ha-1 an-1. L’étude ne promeut aucune pratique « plus stockante » pour les forêts. Elle a néanmoins émis des mises en garde sur des pratiques potentiellement déstockantes telle, entre autres, la préparation mécanisée du site (PMS).
Le potentiel de stockage des forêts pourrait être contrebalancé par les effets des changements climatiques attendus. Tout d’abord, l’intensification des contraintes climatiques peut altérer le fonctionnement des écosystèmes forestiers et notamment la dynamique du carbone. Ensuite, les modifications du climat, conjuguées à des attaques biotiques induites, sont à l’origine de pics de dépérissement (largement observés en 2018 et 2019 dans le Nord-Est de la France) et se traduisent par une augmentation des surfaces à renouveler pour assurer le maintien de la production de bois. Une part notable de la surface sera plantée, dès lors que les semenciers auront disparu ou que l’essence en place sera jugée vulnérable aux risques abiotiques et biotiques. Ainsi, les plantations forestières alimentent à la fois la stratégie d’adaptation aux changements climatiques en permettant l’installation d’essences plus résistantes aux aléas climatiques, et la stratégie d’atténuation en permettant d’assurer le renouvellement forestier et donc la continuité de la fonction de puits de carbone.
La réussite des plantations peut se trouver fortement compromise en cas de contraintes climatiques ou biotiques élevées, comme l’indiquent les chiffres inquiétants observés en 2018 et 2019 dans le Grand-Est, touché ces deux années par des sécheresses estivales sévères. Les résultats issus de nos expérimentations démontrent l’importance d’une bonne préparation du site avant plantation, tout particulièrement les années « difficiles ». Ainsi, la PMS permet d’assurer une bonne installation des plants. Néanmoins, sa mise en oeuvre impacte la structure du sol et toutes les fonctions et services rendus par les sols forestiers. Le projet CAPSOL, qui précède cette nouvelle étude, a permis d’aborder pour la première fois le bilan carbone du sol suite à différentes méthodes de PMS. Les premiers résultats montrent une diminution significative des stocks de carbone organique du sol (COS) au niveau de la zone travaillée mais un travail de PMS localisé permet de limiter fortement le déstockage de COS à l’échelle de la parcelle par rapport à un travail en plein. Un premier modèle a été amorcé pour expliquer la dynamique du carbone dans les premières années mais il nécessite des mesures de COS avant préparation du sol ainsi qu’une prise en compte de tout le fonctionnement biologique et biochimique du sol, qui n’ont pas été abordés dans le cadre du projet CAPSOL. Les projets CAPSOL et PINNS ont également initié une démarche d’évaluation multicritères qui a permis d’identifier les acteurs et leurs attentes quant à la plantation et aux itinéraires techniques de PMS, ainsi que certains d’indicateurs à considérer.
Afin de compléter les premiers résultats de CAPSOL, une nouvelle étude (projet SOLEM), testant différentes méthodes de PMS plus ou moins localisées afin de mieux comprendre et, à terme, modéliser la dynamique biogéochimique des sols forestiers induite par ces perturbations, est proposée dans le cadre de l’AP GRAINE de l’ADEME. Il s’agira également d’identifier les méthodes de PMS qui permettent les bons compromis entre installation des plants et perturbation du sol, développer des itinéraires opérationnels et identifier et tester des indicateurs simples déployables en gestion, pour renseigner le niveau de perturbation du fonctionnement général des sols forestiers.

Axe 2 : Bio-surveillance des écosystèmes le long du continuum Terre-Mer

Les pressions croissantes sur la biodiversité sont essentiellement dues à la pression de la démographie humaine donc aux besoins alimentaires croissants conjugués à l’artificialisation des terres (changements d’usages, imperméabilisation…) et l’imperméabilisation des sols à grande échelle. Dans ce contexte le monde vivant (populations et écosystèmes) le long du continuum Terre-Mer est significativement impacté parfois de manière irréversible. Les invasions biologiques constituent une conséquence extrêmement visible de cette évolution et se fait au détriment du nombre d’espèces et de services écosystémiques, dont on n’imagine pas encore l’impact sur notre environnement naturel, mais aussi sur notre environnement socio-économique. A cela s’ajoute l’effet du changement climatique (augmentation des extrêmes climatiques, détérioration de la qualité des eaux, variation du niveau de la mer) ainsi que l’intensification de l’exploitation des ressources naturelles (e.g. extraction des granulats en milieu alluvionnaire). Cet axe a donc vocation à estimer comment les changements globaux (e.g. climat, rehaussement du niveau marin, espèces invasives) modifient la diversité biologique des écosystèmes et leur fonctionnement conduisant à l’émergence de néo-écosystèmes.
Cette action s’appuie sur la mise en place d’une station mobile de bio-surveillance des milieux aquatiques sur l’ensemble des typologies du continuum Terre-Mer : des zones humides, réseaux hydrographiques présents sur la partie continentale jusqu’au littoral en passant naturellement par l’estuaire. Il s’appuiera sur les moyens obtenus dans le cadre du projet RIN 2020 SMoB dont l’objectif de concevoir cette station mobile de biosurveillance constituée d’un véhicule modifié pourvu d’une cellule-laboratoire équipée d’une instrumentation dédiée aux prélèvements biologiques pour la biosurveillance passive et active, d’une embarcation à coque semi-rigide équipée pour le travail en milieu maritime (prélèvements, implantation, entretien et relèvement de casiers) et d’un utilitaire 4×4 à cabine approfondie 6 places équipée d’une citerne d’1 m3 pour prélèvements d’eau et mise à l’eau de l’embarcation.
Ce dispositif partagé au sein de la fédération SCALE et intégré au sein du plateau mobile de plateforme PRESEN permettra de développer les méthodes d’évaluation environnementale utilisant des sondes biologiques pour mesurer l’impact du milieu sur la santé des organismes et des écosystèmes. Cette approche trouve des applications réglementaires importantes dans l’évaluation des risques toxiques et écotoxiques (approche dite « par substance ») notamment via l’application du règlement européen 1907/2006/CE REACH et de la directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles qui considèrent les bioessais écotoxicologiques normalisés, dans l’évaluation de la qualité des masses d’eaux (approche dite « par site ») encadrée par la directive cadre « Stratégie pour le milieu marin » (2008/56/CE), la DCE (200/60/CE), sa déclinaison 2013/39/CE définissant les Normes de Qualité Environnementale et sa future évolution dite DCE « biote » qui s’appuient sur les biomarqueurs, et dans l’évaluation de la qualité de la ressource (approche dite « santé des organismes ») pour l’évaluation de la dynamique des populations et la détection de maladies émergentes.
Dans ce cadre scientifique et réglementaire en évolution permanente, l’objectif est de favoriser, renforcer, l’observatoire de la biodiversité et de la pression écotoxicologique mis en place et opéré par les laboratoires de la fédération SCALE sur l’axe Seine. Les équipements demandés permettront de répondre précisément aux besoins des gestionnaires de l’environnement en matière de recherche et de suivi de biomarqueurs validés ou en cours de validation (atteintes génotoxiques, perturbations endocrines, effets immunotoxiques) permettant de qualifier la santé des organismes et la qualité du milieu aquatique sur le continuum territoire continental, eaux de transition, littoral Manche.
La station mobile de biosurveillance et ses annexes mobiles (véhicule léger et embarcation semi-rigide) permettront ainsi de déployer des dispositifs d’encagement incluant différentes espèces sentinelles adaptées à la diversité des milieux ainsi que des sondes multiparamétriques connectées afin de recueillir un ensemble de données bio-environnementales avec une large couverture géographique. Le laboratoire mobile sera employé dès 2021 entre autre à la mise en oeuvre de l’action I-cagingTM proposé dans le cadre du label d’excellence PIA3 « Territoires d’Innovation » Smart Port City, obtenu par la CU Le Havre Seine Métropole.

Espèces invasives : conséquences sur la structuration des communautés et le fonctionnement des écosystèmes

La dynamique des espèces invasives peut induire des changements profonds dans la structuration des communautés animales et végétales allant même jusqu’à la disparition d’espèces natives (Vilà and Weiner 2004, Inderjit et al. 2011). Ces modifications d’assemblage d’espèces peuvent altérer durablement les fonctions apportées par ces espèces au sein des écosystèmes (Ehrenfeld 2003, Liao et al. 2008, Rout & Callaway, 2012) et ainsi, remettre en cause les services fournis par ces derniers (stockage de carbone, productivité, recyclage des nutriments, pollinisations, etc). Jusqu’à présent, les études d’impacts des espèces invasives sur les écosystèmes naturels sont principalement focalisées sur les changements de dynamique des populations ainsi que sur les changements de diversité spécifique principalement des communautés végétales. Actuellement, l’impact des espèces invasives sur la diversité fonctionnelle et sur le fonctionnement de l’écosystème sont peu considérés (Wardle et al. 2011, Strayer 2012, Drenovsky 2012). Pourtant, quelques cas d’études démontrent bien que suite à des invasions biologiques les fonctions écosystémiques sont fortement modifiées (e.g. Vanderhoeven et al. 2006, Dassonville et al. 2008, Hooper et al. 2012, Yelenik and D’Antonio 2013). Néanmoins, peu d’études ont relié les altérations des processus ou fonctions écosystémiques aux traits d’effets des espèces invasives. Pourtant, les variations des ensembles de traits fonctionnels entre écosystèmes sont perçues comme explicatives des différences de fonctionnement entre ces mêmes écosystèmes. Des espèces invasives apportant dans un écosystème de nouveaux traits d’effet vont par conséquent modifier/altérer le fonctionnement de l’écosystème en question.

Il s’agit donc de confronter les données de traits mesurés et de les comparer à des données sur le fonctionnement des systèmes dans le contexte des espèces invasives afin d’appréhender au mieux, à l’échelle des écosystèmes, les conséquences fonctionnelles des invasions biologiques. Plus spécifiquement, il s’agit de conceptualiser les liens traits invasifs – traits endogés – fonctions/services. En outre, les effets écotoxiques des traitements de lutte contre la colonisation biologique peuvent être recherchés à partir d’un ensemble de biomarqueurs d’altération de fonctions physiologiques essentielles. Ces objectifs sont portés au travers des projets RIN Invbio (Région Normandie) et IPEES (Impacts des Plantes Exotiques Envahissantes sur le fonctionnement du Sol : évaluation et restauration – Ministère TES).

Changement climatique dans un contexte estuarien : conséquences des modifications des niveaux d’eau et de salinité sur le fonctionnement des milieux et de leurs organismes

Les estuaires sont des zones d’interface soumises aux cycles des marées où s’établissent un ensemble de gradients écologiques directement en lien avec le processus de submersion marine. Ce sont des zones d’interface entre les domaines continentaux et marins, siège de production, de transferts et/ou de stockage de matière organique (MO ; Odum, 1979). Dans de nombreux estuaires, le fonctionnement physique et géomorphologique est hérité des aménagements anthropiques (ports, digues, barrages). Reconnues pour l’importance de leur rôle écologique et les services écosystémiques qu’ils remplissent (zone tampon dans la régulation des niveaux d’eau, support de biodiversité, productivités primaire et secondaire, transferts trophiques, cycle de vie des espèces, rôle dans la qualité de l’eau, support d’activités culturelles et économiques), les zones estuariennes participent également à la protection des côtes en limitant l’action de la mer (pénétration de l’eau de mer), à l’accueil de la faune (i.e. oiseaux sauvages, nourricerie pour les poissons), à la production de matière organique et de nutriments transitant ensuite vers les écosystèmes adjacents (Hazelden et Boorman, 1999), à la régulation des flux de matière (puits-source de carbone ou de nutriments, Moore et Turunen, 2004 ; Duarte et al., 2005 ; Bridgham et al., 2006 ; McLeod et al., 2011) et des pollutions diffuses par l’azote ou le phosphore (Mitsch et al., 2000 ; Kao et al., 2003 ; Pinay et al., 2007) et donc influencent corrélativement la qualité des eaux de la nappe phréatique (Benstaed et José, 2001). Ces milieux estuariens font ainsi partie des systèmes les plus productifs au monde de par leur position à l’interface entre systèmes continental et marin (Wolanski et al., 2004). Elles ne représentent qu’une infime partie des terres émergées de la Terre (1,5 %) mais contribuent à hauteur de 14,7 % des services écosystémiques du monde (Chen et al. 2008). Malgré la diversité d’espèces et de fonctions écologiques qu’elles accueillent, les zones humides estuariennes n’en sont pas moins des écosystèmes menacés, avec une dégradation et une perte de surfaces beaucoup plus rapides que celles mesurées pour tout autre écosystème (GIEC, 2007). Ce sont les milieux les plus vulnérables au regard des changements globaux, notamment via la modification des usages des sols (e.g. drainage pour rendre les surfaces cultivables), le changement climatique (e.g. augmentation du niveau marin entraînant l’inondation de certaines zones côtières ou estuariennes) ou encore par l’introduction d’espèces exotiques pouvant être à l’origine d’une érosion de la diversité biologique (Millenium Ecosystem Assessment, 2005) et donc d’une partie des fonctions et services écologiques que cette dernière peut rendre. Ces constats amènent à s’interroger sur la nécessité de préserver, voire de restaurer (sensu SER 2011) ces milieux afin de protéger ou retrouver les fonctions et services écologiques qu’ils remplissent. Pour cela, une connaissance solide du fonctionnement de l’ensemble des milieux estuariens (i.e. habitats) ainsi que des facteurs de contrôle qui s’y exercent est indispensable pour i) identifier les objectifs de préservation ou de restauration de ces fonctions et ii) définir des mesures ou des actions de gestion pertinentes sur le terrain. La comparaison de secteurs à hydrodynamisme et submersion contrastés de l’estuaire de Seine (projet FEREE – AO SEine-Aval 6 Figure 7) est une première étape pour tenter de prédire les réponses des communautés vivantes (plantes, animaux, microorganismes) et les modifications du fonctionnement écologique associé (stockage du C, minéralisation) à des modifications environnementales majeures (e.g. augmentation du niveau marin, modification du gradient de salinité). L’évaluation i) de l’efficacité des processus écologiques en place dans les différents types d’habitats, ii) du rôle de ces zones rivulaires dans le fonctionnement de l’estuaire et iii) de la compréhension des connectivités entre ces milieux, sont des enjeux majeurs pour apporter une « aide à la décision » aux décideurs publics et aux gestionnaires afin d’identifier les priorités de protection de certaines zones ou les priorités de restauration de certains milieux pouvant jouer un rôle de tampon face aux modifications écologiques locales. Le projet FEREE (Prg. GIP-Seine Aval) s’attache à identifier l’impact du rehaussement du niveau de la mer et ses conséquences (modification des fréquences d’inondations et de la salinité) sur la diversité biologique, le fonctionnement et la fonctionnalité des prairies humides de la RNN Estuaire de Seine.

Exploitation des ressources naturelles : la restauration écologique une solution pour la sauvegarde des milieux ?

Les plaines alluviales sont un élément de transition dans le continuum Terre-Mer. L’existence et le fonctionnement des écosystèmes humides situés dans les plaines alluviales résultent de la combinaison de processus liés à la dynamique fluviale (régime hydrologique, processus morphodynamique de sédimentation et d’érosion) et de processus liés, précisément, à l’écologie (zonation) et à la dynamique des communautés biologiques (succession écologique) auxquels s’ajoutent l’influence des activités humaines (changement du mode d’occupation, chenalisation, endiguements, drainage, extraction de graviers, …). Si les écosystèmes de la plaine alluviale sont sous la dépendance du fleuve qui influence l’alimentation en eau de leurs sols, le fonctionnement du fleuve dépend en retour des écosystèmes de la plaine. Cette interdépendance entre cours d’eau et écosystèmes de la plaine alluviale est à la base du concept d’hydrosystème fluvial (Amoros et Petts, 1993).
Dans le même temps, on constate une dégradation importante des zones humides dont la surface a fortement régressé (Fustec et al.,2000 ; Barnaud et Fustec, 2007), notamment dans les plaines alluviales fortement anthropisées. Les zones humides pas ou peu dégradées sont aujourd’hui reconnues pour leur forte biodiversité mais aussi pour les fonctions écologiques et les services écosystémiques qu’elles assurent (Maltby et al. 1996 ; Benstaed et José, 2001 ; Piégay et al, 2003 ; Schnitzler-Lenoble, 2007 ; Gayet et al. 2016). Chen et al. (2008) estime ainsi que les zones humides contribuent à hauteur de 14,7% aux services écosystémiques mondiaux alors qu’elles ne représentent que 6 % des terres émergées de la planète (Mitsch et Gosselink, 1993). Si pour certaines zones humides peu ou pas dégradées, des mesures de protection et de gestion ont pu être mises en place, des travaux de restauration et de gestion écologiques doivent être entrepris dans les zones humides les plus fortement dégradées afin de retrouver un niveau de biodiversité et un fonctionnement écologique en accord avec les propriétés habituellement attribuées à ce type de milieux naturels (Mitsch et Gosselink, 2007).
C’est dans ce contexte que des travaux en écologie de la restauration de ballastières ont été réalisés au sein de la FR Scale depuis plusieurs années. Cette problématique se poursuit à ce jour en élargissant les techniques de restauration. Dans les précédents projets, le remblaiement des ballastières s’est effectué expérimentalement à l’aide de sédiments de dragage puis de matériaux pédologiques provenant de la vallée de Seine. Dans cette nouvelle phase d’étude, le remblaiement est réalisé à l’aide de terres et matériaux inertes provenant des chantiers du Grand Paris à savoir des matériaux excavés et non des matériaux de déconstruction et de chantiers locaux. Ce type de réaménagement est prévu dans une zone de moindre contrainte sur le plan écologique (absence d’espèces protégées). Ce projet prévoit de recréer à terme environ 32 hectares de nouvelles zones humides dont la côte d’altitude moyenne correspondrait à l’affleurement du niveau bas du plan d’eau soit 1,50 mètres NGF. Un gradient altimétrique sera également réalisé autour de cette côte de manière à inclure les variations saisonnières du plan d’eau (exondation vs inondation). Dans ce contexte une étude préalable sur des surfaces réduites est réalisée afin de déterminer si ces matériaux inertes peuvent être utilisés dans le cadre de restauration de milieux humides typiques de la vallée de Seine.

Les activités de loisirs : une vigie pour la surveillance des écosystèmes

Le développement des sports et des loisirs de nature a permi la transition des écosystèmes et de leur distribution spatiale. L’histoire du continuum Terre-Mer à partir de ces usages a fait l’objet d’un dépôt de projet ANR. Les sportifs constituent des vigies précieuses dans la surveillance des écosystèmes et dans leurs inscriptions à différents réseaux. D’autre part, l’activité physique et le corps des sportifs reste un precipit pertinent pour analyser les pressions et changements.
La richesse et variabilité des habitats et des écosystèmes sur les territoires à l’interface entre les milieux littoral et continental sont particulièrement sensible à ces évolutions, et doivent donc faire l’objet d’un suivi et d’une adaptation quasiment en temps réel des politiques d’aménagement, de transformation des territoires. La préservation de la diversité et celles des services écosystémiques se heurtent malheureusement à la difficulté de concilier les temps courts associés à la pression anthropique et à l’urgence d’observer, d’expertiser et de décider rapidement dans un contexte de transitions socio-économiques, avec les temps longs correspondant aux trajectoires incertaines et multiples des écosystèmes.

Axe3 : Risques environnementaux et leurs impacts socio-économiques sur les territoires en transition

Risques environnementaux

La fédération SCALE est historiquement très impliquée sur l’évaluation des risques sur le territoire Normand. Le long du corridor hydrogéologique défini par le bassin de la Seine jusqu’à l’estuaire de nombreux éléments mettent en évidence une vulnérabilité de l’environnement aux changements climatiques et aux forçages anthropiques. La forte densité de population le long de ce corridor, associée à la présence historique d’une industrie chimique encore très active, l’existence d’une agriculture intensive, une géologie karstique sur une grande partie du territoire, et un trait de côte de près de 600 km sont autant d’éléments qui mis bout à bout accroît significativement les aléas (la probabilité d’occurrence d’un évènement) et démultiplie les types de vulnérabilité (à l’infiltration, à l’érosion, aux inondations, aux affaissements,…) aux conséquences environnementales et sanitaires. La connaissance de l’évolution dynamique des environnements côtiers et littoraux est un enjeu majeur en matière d’aménagement du littoral, spécifiquement en contexte d’augmentation du niveau marin et de changement climatique (tempêtes, précipitations), induisant une exposition aux risques naturels accrue.
Cette action est par conséquent destinée à étudier le fonctionnement des systèmes concernés, que ce soit 1) ceux liés aux méthodes de valorisation des ressources naturelles et à leur impacts dans un contexte littoral et estuarien (exploitation des granulats, utilisation des géomatériaux au sens large), aux processus physico-chimiques permettant d’en modéliser et de s’assurer de leur durabilité sans risque pour l’environnement, et à améliorer la compréhension de la dynamique du littoral et l’estimation de sa vulnérabilité, et 2) ceux liés à l’exploitation potentielle des énergies marines renouvelables, en particulier ceux basés sur les fermes d’hydroliennes. Concernant ce dernier point, l’analyse de l’impact de ces ouvrages sur l’environnement et la caractérisation des paramètres marins (courants, topographie des mers) constitue des objectifs essentiels des travaux en cours sur le site atelier des radars HF du Cotentin, situé au niveau du Raz Blanchard. Le projet DEHMY (DEMonstrateur pré-opérationnel pour l’HYdrolien marin et estuarien) ayant pour objectif d’établir les scénarios associés aux forçages climatiques extrêmes sur l’exploitation des hydroliennes sera soumis cette année auprès de l’ADEME.
Concernant le premier point, l’aménagement dans des zones de sols aux propriétés de portance « médiocres » est de plus en plus étudié. Ainsi le potentiel de liquéfaction des sols non saturés ou au voisinage de la saturation est un sujet d’étude géotechnique d’actualité, et concerne la tenue des ouvrages hydrauliques (barrages en terre…) et aussi les fondations d’éoliennes par exemple. Ce travail se poursuivra dans le cadre du projet FONDEOL (RIN Tremplin) en cours et du projet FUNCAP et PHC avec le Brésil en cours d’instruction et qui rassemble des laboratoires et établissements normands LOMC ULHN, LMN INSA-ROUEN Normandie, l’ESITC Caen, le CEREMA Normandie Centre et internationaux, l’INCT-Infra ; Universidade Federal do Ceará (UFC), Brazil, Entreprise Energie TEAM. Ces travaux s’intègrent dans le projet national ASIRI+.
Les transferts sédimentaires large-littoral sous l’action des forçages hydrodynamiques affectent directement l’érosion du littoral, notamment dans un contexte de changement climatique avec une élévation du niveau marin et une modification de la fréquence des tempêtes. L’étude des processus pilotant ces transferts et leur modélisation seront poursuivies dans le cadre de cet axe. Elle s’appuiera notamment sur les résultats du projet RIN SELINE impliquant les laboratoires M2C, LOMC, LUSAC, et le CNAM INTECHMER. Les approches combineront la modélisation physique, l’observation in situ en s’appuyant notamment sur le Service National d’Observation DYNALIT (INSU-CNRS), et la modélisation numérique.
Une attention particulière portera sur la reconnaissance des aléas naturels en zone côtière (mouvements de terrain et submersion). La problématique de l’érosion des falaises, des plateformes rocheuses, et de l’érosion au voisinage de structures (applications aux cas de digues, des éoliennes offshore,…) sera également considérée.
A titre d’exemple, le traitement électrocinétique pour la remédiation des sols-sédiments à l’échelle du laboratoire a été largement étudié mais son application sur le terrain reste très limitée. Dans le cadre de cet axe, il s’agira de développer à l’échelle de la parcelle les méthodes permettant d’aboutir à un réacteur dédié à la remédiation des sols affectés par une pollution industrielle (friches) ou anthropique (sédiments de dragage). Naturellement, une des clefs sera d’évaluer l’efficacité de ses approches après passage à l’échelle de tels dispositifs actuellement opérationnels uniquement en milieux contrôlés en laboratoire (thèses soutenues de Y. Song, 2016 ; Y. Tian, 2017). Ces travaux sous les projecteurs de la région normande depuis la catastrophe de Lubrizol, sont adossés à l’AMI thématique- Solutions Innovantes et Opérationnelles dans le domaine de la Maîtrise des Risques Industriels (ANR 2020), sur la Protection des Populations, de l’Environnement et des Biens, dans le cadre d’une collaboration structurée autour des laboratoires de la fédération SCALE en particulier sur le site de l’Université Le Havre Normandie.
Parallèlement aux approches techniques et expérimentales, la dimension économique et la perception sociale du risque climatique, environnemental et industriel, est un enjeu majeur. Cela requiert le développement de méthodes d’analyses économiques pertinentes s’appuyant sur des données représentatives donc suffisamment spatialisées. Afin de permettre aux décideurs d’évaluer les investissements à effectuer, le principal objectif de telles études est d’établir quelles mesures préventives peuvent/doivent être envisagées pour chaque typologie de risque en fonction de leur rapport coût/efficacité.
Ces analyses peuvent s’appuyer sur différentes méthodologies développées et mises en oeuvre par les équipes de recherche en économie. Une thèse (soutenance en septembre 2020) a permis le développement d’un modèle de type input-output à l’échelle du bassin de la Seine Aval intégrant les flux d’utilisation de la ressource en eau. Ce modèle permet l’étude de différents scénarios d’évolution de la disponibilité de la ressource en eau au cours du temps et de leurs impacts sur le niveau et la structure de l’activité économique régionale. La disponibilité de données sur les rejets polluants liés aux activités économiques à l’échelle du bassin versant pourrait permettre de compléter ce modèle afin d’introduire la dimension qualitative dans l’étude des relations entre économie et environnement. D’autres approches économiques, basées sur des données issues d’enquêtes ou sur des protocoles d’expérimentation, sont également mobilisables pour étudier les perceptions individuelles des risques environnementaux et mesurer les consentements à payer des populations pour la mise en oeuvre de politiques ou d’actions liées à la protection de l’environnement dans le cadre d’une transition écologique.
Les enjeux sociétaux relatifs aux transitions qui vont s’opérer sur ces milieux peuvent être déclinés selon 3 grands questionnements. :

  1. Les paysages normands souvent pensés comme immémoriaux et immuables dans leurs enjeux patrimoniaux (classement UNESCO, chartes paysagère, classement RAmsar), subissent une pression mettant en jeu leur diversité (modification des modes d’usage des sols) et les demandes d’aménités (loisirs, urbanisation, qualité de vie) dont il conviendra d’évaluer les conséquences et l’accessibilité sociale.
  2. Les transitions propres aux activités sociales composent le second questionnement inhérent aux professions agricoles (vers le bio notamment) mais aussi par conversion d’une activité à une autre (par exemple vers le tourisme et les loisirs). Le projet RIN FUSEE aborde ces questions dans le contexte des nouvelles pratiques de gestion forestière et leur perception sociétale.
  3. Enfin le dernier questionnement concerne la transition imposée par la multiplication des risques industriels (vieillissement des équipements, pression urbaine…) et les changements globaux (réchauffement climatique, modification des éco-anthropo-systèmes). La problématique Lubrizol en est la parfaite illustration et un collectif d’unités de recherche appuyé par la Région Normandie s’est emparé du suivi environnementale et sociétale.

Valorisations opérationnelles en sciences de l’environnement, géomatériaux innovants

La mutation de nos sociétés et la volonté des pouvoirs publics sont aujourd’hui de soutenir la diversité des matériaux de construction. Il est acté désormais la nécessité de remplacer le béton classique par des produits dits « écologiques » et bas carbone. Afin d’identifier les eco-géomatériaux de demain il est nécessaire de développer des approches de modélisations à l’échelle microstructurale des propriétés physico-chimique (hydro-mécanique et hygro-thermiques), notamment en cas de traitement avec des liants ou biochimiques. A ce titre les éco-géo-matériaux de construction à base de terre crue font l’objet d’un regain d’intérêt à travers le Projet National PN « Terre Crue » qui est en cours de montage sous l’égide de l’Institut pour la recherche appliquée et l’expérimentation en génie civil de recherche expérimentale (IREX).
Dans ce cadre, et à l’échelle des ouvrages, l’étude de la fissuration par dessiccation constitue la pathologie principale des éco-matériaux de construction à base de terre crue. Pour cela le développement des méthodes de biocalcification par MICP (Microbially Induced Calcite Precipitation) constitue une approche préventive et réparatrice innovante, et peu intrusive. Ce procédé novateur de cimentation des particules repose sur l’optimisation de l’activité bactériologique de la Sporosarcina pasteurii dans un milieu urée. Cette nouvelle technique nécessite moins d’énergie de pompage et ne colmate pas les pores du sol. L’objectif est d’évaluer sa mise en oeuvre sur des matériaux argileux afin de minimiser en amont l’apparition de la fissuration et en aval, sa remédiation. L’argile abondant dans la nature est naturellement peu utilisée en construction à cause justement de ses propriétés de retrait-gonflement. Ces questions seront abordées dans le cadre du projet BIOFIS (AAP RIN Emergent) et s’appuieront sur des dispositifs expérimentaux en cours de développement entre les laboratoires de SCALE (LOMC et SEBIO) et des partenaires comme CentraleSupelec et l’Ecole Nationale d’Ingénieurs de Saint Etienne.

Axe 4 : Diachronie des relations Sociétés – Environnement et géoarchéologie

Cet axe porte sur l’étude des relations Sociétés-Environnement et vise à caractériser l’évolution des géosystèmes sur les temps quaternaires et archéo-historiques, permettant ainsi une mise en perspective des changements actuels et futurs. Plus spécifiquement, ces recherches s’intéressent aux environnements des sociétés anciennes, à l’étude de la diffusion spatiale des archéomatériaux pour reconstituer la structuration précoce des territoires, et la géohistoire des paysages. Ces recherches portent donc sur la co-évolution des sociétés et des environnements et posent la question de l’ampleur des changements enregistrés dans le paysage, sous la double action des dynamiques environnementales et de l’action des sociétés. Ces études participent donc aux champs des recherches sur les paléoenvironnements, la géoarchéologie, la géohistoire ou encore l’archéogéographie. Dans ce contexte, les recherches réalisées dans cet axe s’appuient sur des approches croisant des indicateurs complémentaires, empruntés aux sciences de la Terre (géomorphologie, géochronologie) mais aussi à l’archéologie et à l’archéométrie (taphonomie, géochimie, géophysique) ou encore aux sciences sociales (histoire, géographie). Cette pluralité de méthodes permet ainsi d’acquérir des données d’observations et de mesures (stratigraphie, analyse d’images, télédétection, drone, laser scan 3D, photogrammétrie), des données issues d’analyses de laboratoire (sédimentologie, micromorphologie, géochimie), de fouilles archéologiques, de dépouillement et d’inventaire de fonds d’archives (cadastres, cartes anciennes, récits historiques), ou encore d’enquêtes et d’entretiens. Le croisement des données obtenues (SIG et analyse spatiale), leur géovisualisation et leur modélisation permet la mise en évidence du rôle et du poids des forçages dans la dynamique des milieux bio-physiques plus ou moins anthropisés.
A l’international, les régions investiguées représentent des enjeux scientifiques cruciaux, tel que le domaine Méditerranéen qui a connu des mutations sociales, économiques et politiques nombreuses et précoces depuis le Néolithique. Les études paléoenvironnementales et géoarchéologiques permettent d’interroger l’origine anthropique et climatique des forçages à des échelles de plus en plus fines. Dans les hautes latitudes, compte tenu de l’intérêt stratégique de ces régions et des effets du global change, il est essentiel de comprendre et de documenter les relations qui ont existé entre les sociétés humaines et l’environnement au cours des derniers millénaires et siècles, et ce jusqu’au réchauffement récent.

Environnement des sociétés anciennes et géoarchéologie

Les travaux menés dans ce thème traitent des reconstitutions paléoenvironnementales, de géomorphologie, et de l’évolution des milieux biophysiques pléistocènes et holocènes mais également de géoarchéologie. Cette dernière est définie comme étant l’application des méthodes issues de la géographie et des géosciences à la reconstitution, dans une perspective archéologique, des paléo-environnements et des dynamiques paysagères. Les travaux reposent sur l’acquisition de données de terrain, la cartographie géomorphologique, l’investigation d’archives pédo-sédimentaires variées (formations superficielles, paléosols, tourbières, spéléothèmes). Ils s’appuient sur une approche multiproxies grâce à de nombreuses collaborations nationales et internationales avec des laboratoires dédiés aux analyses paléoenvironnementales.
Les contextes investigués incluent les milieux côtiers et insulaires, les plaines alluviales, les environnements périglaciaires actifs (ANR InterArctic, thèses C. Recq et thèse I. Girault)), les domaines volcaniques (ex. programme IEA CNRS GeoPalAiK) ou encore le karst (ex. Programme The Caves of Kyrenia Mountains ou PalEcoNor, thèse qui débutera en sept. 2020), en France mais aussi, via plusieurs projets internationaux (Liban, Chypre, Turquie, Chili, Labrador). En outre, une attention particulière est apportée à deux types d’environnement : le karst d’une part, et les environnements volcaniques d’autre part (ex. programme : GeoPalAiK). Les enregistrements karstiques permettent des reconstitutions paléoclimatiques quaternaires à haute résolution via l’étude des spéléothèmes et leur caractérisation par la géochimie isotopique, la mesure des isotopes stables de l’oxygène, et les datations U/Th. En outre, les produits volcaniques fossilisent des paléotopographies et occupations humaines et constituent des niveaux repères utilisées pour les reconstitutions chrono-stratigraphiques.

Géohistoire des paysages

Ce thème prolonge le précédent puisqu’il interroge la résilience des sociétés. La labilité des réseaux d’échanges constitue l’un des principaux moyens d’adaptation face au double forçage anthropique et naturel. Ces échanges sont reconstitués grâce au sourcing des archéomatériaux, dont la mobilité renseigne également sur la structuration précoce des territoires. L’échange et le transfert spatial des artefacts, depuis les sources géologiques (carrières, lieux d’extraction, lieux de production) jusqu’aux sites où ils ont été utilisés (sites archéologiques) renseignent non seulement sur la mobilité de matières premières, mais aussi sur celle des populations anciennes et des innovations techniques. En outre, les choix préférentiels de tel ou tel matériau

renseignent sur les voies d’échanges, les processus de diffusion et les connexions socio-spatiales (PHC ASPOPE-LIB). Cette thématique transdisciplinaire associe les géosciences et l’archéométrie (caractérisation physico-chimique, contextes d’affleurement) à l’archéologie (analyses techno-typologiques) et l’histoire (archives) afin de définir les usages, ainsi qu’à la géographie et la géo-informatique afin de modéliser et proposer des analyses spatiales (routes de diffusion, réseaux, polarités). Les savoir-faire et méthodologies développés sont transposables à différents contextes culturels et physiques pour lesquels les questions de sourcing, de diffusion de matières premières et de structuration diachronique des territoires se posent. Les projets futurs visent à poursuivre et développer les recherches menées dans l’ANR Géobs portant sur l’échange d’obsidienne en Asie occidentale du Néolithique à l’âge du Bronze (2014-2018) ou encore dans le projet ATP (RIN Recherche, 2018-2019) portant sur la craie de construction à l’époque médiévale en Normandie.
Diffusion des archéomatériaux et structuration précoce des territoires Ce troisième thème porte sur l’histoire des paysages (forêts, milieux fluviatiles) où la composante anthropique est centrale (pratiques sylvicoles, défrichements, aménagements hydrauliques). Par une approche pluridisciplinaire mêlant histoire (analyse des cartes anciennes, des archives et cadastres, des anthro-toponymes), archéologie (prospection, inventaire de sites), géomatique (SIG, analyse spatiale), archéo-géomorphologie, biogéographie (analyse régressive des sylvofaciès), pédologie, ou encore écologie historique (palynologie, anthracologie), il met l’accent sur l’identification, la classification et la typologie de formes anthropiques héritées, de planimétries non fonctionnelles (e.g., parcellaires agricoles), d’anciens axes de circulation (routes, chemins) ou encore de structures (e.g., habitats: thèse d’H. Barbel en cours sur la géohistoire des habitats Thuléens-Inuits de l’archipel de Nain, Labrador) ou aménagements fossiles associés aux industries, artisanats, ou usages domestiques particuliers (e.g. charbonnières, drains). En tant qu’espaces dynamiques, aux trajectoires complexes et diachrones, les massifs forestiers représentent également un objet pertinent pour la recherche géohistorique et archéologique (e.g. thèse en cours de N. Blanchard sur la géohistoire de la forêt d’Ecouves, Orne, Normandie).